Principe de l'unité budgétaire

principes budgétaires

L’unité budgétaire

Ce principe, d’origine plus récente (il n’a été introduit en droit positif français qu’à l’occasion du décret du 31 mais 1862) est un principe à la fois plus complexe et plus composite que les principes d’annualité et de spécialité. Sa justification empirique reste cependant simple : le budget dont est saisi chaque année le Parlement doit contenir l’ensemble des informations pertinentes nécessaires pour que la représentation nationale puisse assumer sa mission de contrôle et d’autorisation sur l’évolution des recettes et des dépenses.

Pour répondre à deux catégories d’exigences

  • une exigence matérielle parfois qualifiée de règle de l’unicité : le projet de loi de finances doit se présenter sous la forme d’un document unique, ou au moins présentant une certain unité. Le PLF au sens strict est ainsi composé de plusieurs documents présentant une cohérence d’ensemble : le fascicule « projet de loi de finances » est le document central présentant le dispositif législatif, l’exposé général des motifs et les états annexés prévus par l’ordonnance organique (états A à H) ; cependant ce document n’est pas dissociable des autres « bleus » budgétaires qui comprennent les deux annexes voies et moyens, le rapport économique social et financier, ainsi que les annexes qui détaillent les autorisations de dépense pour chaque ministère.

L’addition de cette quarantaine de fascicules peut sembler contradictoire avec l’affirmation du principe d’unité qui pourrait être interprétée comme requérant l’unicité au plan matériel du projet de loi de finances. Il faut rappeler cependant que ces documents sont chacun requis par l’article 32 de l’ordonnance organique. Ensuite, le « bleu » général du PLF synthétise bien en un document unique l’équilibre du projet de loi de finances et l’ensemble des autorisations requises par l’ordonnance (services votés, mesures nouvelles par ministères et par titres, produit des recettes fiscales et non-fiscales à l’état A, etc…), le rôle des autres fascicules étant de compléter l’information sur des aspects plus spécifiques du PLF. Enfin, les progrès informatiques permettent au ministère du Budget, depuis 1997, de transmettre sur un support électronique unique le contenu des 40 « bleus » annuels.

  • une exigence de fond parfois qualifiée de règle de totalité : l’ensemble des dépenses et des recettes de l’Etat doit figurer dans son budget ; cette règle est très clairement affirmée par l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, dans deux de ses articles :
-          article 2 : « la loi de finances de l’année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat »
-          article 16 : « le budget est constitué par l’ensemble des comptes qui décrivent, pour une année civile, toute les ressources et toutes les charges permanentes de l’Etat »

La portée du principe

Comme pour le principe d’annualité, c’est à la fois un principe « démocratique » (assurer la sincérité du budget en garantissant qu’aucune ressource ou charge n’en sera soustraite, le présenter dans un document synthétique et global permettant d’informer le Parlement et de le mettre en situation d’exercer un contrôle réel), et un principe de saine gestion : la stricte application du principe d’unité permet d’appréhender l’ensemble des recettes et dépenses de l’Etat, en évitant un éclatement entre des comptes multiples et séparés.

Le caractère impératif du principe d’unité a été rappelé très clairement par le Conseil constitutionnel qui connut un certain retentissement et dans laquelle il annula un article de la LFI 1995 qui mettait à la charge d’un établissement public administratif (EPA) – le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) – des majorations de pensions accordées en fonction du nombre d’enfants aux fonctionnaires de l’Etat et aux exploitants agricoles.

Le Conseil constitutionnel a censuré ce dispositif sur le fondement notamment de l’atteinte au principe d’unité, en des termes qui renforcent sa portée : « l’article 6 inclut notamment dans les dépenses permanentes les dépenses de personnel ; parmi ces dépenses, récapitulées dans le titre III, figure le service des prestations sociales dues par l’Etat dont les pensions de retraite font partie » ; le respect du principe d’unité (et d’universalité) fait obstacle à ce que « des dépenses qui, s’agissant des agents de l’Etat, présentent pour lui par nature un caractère permanent ne soient pas prises en charge par le budget ou soient financées par des ressources que celui-ci ne détermine pas ».

Ainsi est consacrée la notion de « charge permanente par nature » du budget de l’Etat, qu’on peut rapprocher de la notion de dépense obligatoire pour les collectivités locales. Son contenu n’est pas à ce stade certain et sera sans doute précisé par la jurisprudence ultérieure, mais cette notion donne une nouvelle jeunesse à la règle de l’unité en mettant un coup d’arrêt aux possibilités de débudgétisation.

Les aménagements de la règle.

La règle de l’unité connaît dans les faits des dérogations d’importance diverses.

  • une dérogation de très faible portée, plus formelle que réelle : les budgets annexes et comptes spéciaux du trésor sont des modes d’affectation de recettes à des dépenses, expressément prévus par l’article 18 de l’ordonnance du 2 janvier 1959. Dans l’architecture générale du budget de l’Etat, ils constituent, à côté du compte principal qu’est le budget général, deux catégories de comptes spécifiques. Cette division se lit très clairement dans la structure de l’article d’équilibre des lois de finances qui fait apparaître les trois catégories de comptes du budget de l’Etat et est parfois présentée comme portant atteinte à l’unité. Mais cette atteinte n’est que de très faible portée : les charges et les ressources sont retracées dans les budgets annexes et comptes spéciaux, et bien qu’elles ne figurent pas au sein du budget général, elles figurent bien au budget de l’Etat et sont bien présentées à l’approbation du Parlement dans la loi de finances.

En réalité, si les budgets annexes et comptes spéciaux sont clairement des dérogations à la règle de l’universalité, qui veut qu’il n’y ait pas d’affectation de recettes à des dépenses, on ne peut pas affirmer qu’ils constituent une atteinte au principe de l’unité budgétaire.

  • une dérogation qui n’en est pas vraiment une : la charge de remboursement du capital des emprunts d’Etat venant à échéance n’est pas une charge du budget de l’Etat qui retrace uniquement le service de la dette (c’est-à-dire la seule charge des intérêts). Ceci résulte directement de l’article 15 de l’ordonnance organique, qui classe le remboursement des emprunts parmi les opérations de trésorerie de l’Etat, qui contrairement aux opérations permanentes ne sont pas retracées au budget. Cette distinction entre opérations permanentes figurant au budget et opérations de trésorerie réalisées hors budget recoupent largement la distinction opérée en comptabilité privée en opérations inscrites au compte de résultat et opérations de bilan ; ainsi, de façon tout à fait comparable, une entreprise inscrit en charge de son compte de résultat les intérêts qu’elle verse sur les emprunts qu’elle a contractés, tandis que le remboursement de ces emprunts est une opération de bilan jouant uniquement sur la trésorerie.
  • Un véritable aménagement du principe d’unité : les établissements publics administratifs (EPA) constituent une difficulté au regard du principe d’unité renforcé par la décision précitée du Conseil constitutionnel.



Les EPA sont une modalité particulière d’organisation de services relevant par nature de l’Etat ; contrairement aux établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), qui correspondent à l’individualisation d’opérations que l’Etat n’a pas naturellement vocation à assurer, dont le personnel est de droit privé et dont les ressources sont pour l’essentiel le produit de la facturation des biens produits ou des services rendus, les EPA autonomisent des services dont l’activité relève de l’Etat et dont les dépenses (pour l’essentiel de la rémunération de personnels ayant le statut de fonctionnaires) sont des dépenses permanentes de l’Etat au sens de l’ordonnance organique, c’est-à-dire des dépenses que le Conseil constitutionnel a qualifiées, dans sa décision, de dépenses « par nature » de l’Etat.
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Membre du groupe "Master recherche" en sciences économiques. j'espère que ce modeste travail sera utile pour vous. cordialement
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